ARTS ET CULTURES D’AFRIQUE

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Arts et Cultures d’Afrique.

Pourquoi écrire cet essai ? Peut-être parce que je n’ai jamais trouvé dans un seul ouvrage réponse au mur de questions qui s’est dressé devant le profane que j’étais  dès lors que j’ai voulu comprendre un peu plus l’histoire de ces sculptures de bois. Sûrement par envie de faire partager mes lectures et mes voyages à la rencontre de l’Afrique et de sa magie, ainsi que  mon engouement et mon amour et pour l’art africain .

C’est ce parcours initiatique que je souhaite partager ici.

Mi homme, mi-animal, dès le premier regard  porté sur lui, un sentiment confus de crainte et de fascination m’a envahi. Il faisait peur, il était beau, il était affolant d’expression. Je pressentais le caractère mystique et sacré émanant de lui. Il ne ressemblait en rien à tout  ce que mon éducation m’avait enseigné jusqu’à ce jour, et j’étais agressé, dérouté, subjugué par sa force vitale. Une onde de choc m’a transpercé.  Que faire ? Fuir, lutter, fermer cette porte ouverte sur voyage vers l’inconnu ? Ou bien se laisser envoûter par sa force mystérieuse et par la magie secrète que l’on devinait en lui. ???

Un jour j’ai rencontré un masque. Sans aucun doute venait-il d’Afrique.

En toute simplicité, j’ai décidé de l’aimer, de lui confier mes secrets les plus intimes et de me laisser pénétrer par sa magie. En retour, il m’a emmené à travers  les pistes de latérite  d’Afrique de l’Ouest  à la rencontre des hommes, des paysages, des cultures et des rites,  il m’a fait lire des ouvrages  jusqu’à là inconnus, m’a bercé de mélodies aux accords de savanes pour faire rejaillir des sentiments enfouis au plus profond de moi-même

Pour celui qui ne connaît pas l’Afrique noire, l’observation des masques et statuettes est bien souvent l’occasion d’établir un premier contact avec les mystères de ce continent. Notre imaginaire associe directement ces objets à tous les fantasmes que génère l’Afrique: à la magie, aux rêves d’aventure et de terres sauvages inexplorées. D’ailleurs, qu’ils en  apprécient ou non l’esthétique, c’est bien souvent une véritable fascination qui s’exerce sur celui ou celle qui à l’occasion de partager quelques instants avec une sculpture africaine: c’est comme si une force sacrée émanait confusément  de ces objets et faisait jaillir une multitude de questions et un besoin profond de comprendre la fonction de la sculpture.

Statuette Senufo, maternité  Dogon, masque  Bobo, reliquaire Fang ou fétiche Songye… Un des premiers obstacles auquel se trouve confronté le profane qui souhaite découvrir les arts et cultures d’Afrique est bien souvent son manque de vocabulaire adapté, son peu de connaissance de la géographie de ce continent et de ses habitants.

L’Afrique moderne  est constituée de 53 pays et d’environ 500 millions d’habitants. Situer précisément sur une carte le  Congo, le Mali, la Côte d’Ivoire ou bien encore le Burkina Faso présente parfois quelques difficultés, mais que dire de l’exercice quand les ouvrages spécialisés vous parlent du « delta intérieur du Niger », de la « côte de Guinée », des ethnies « Baoulé » ou « Kota » qui les habitent.  Le continent africain comprend plus de groupes ethniques différents que  n’importe quel autre continent. De plus, ethnies et cultures africaines ne se répartissent pas selon les frontières politiques …une leçon d’histoire et de géographie est un préliminaire qui s’impose! Le découpage en états de l’Afrique, et le principe des frontières actuelles des pays africains ont été imposés en 1885 lors de la  conférence de Berlin. En effet, afin de mettre fin aux rivalités des  nations européennes  convoitant les richesses humaines et naturelles africaines,  les puissances occidentales ont  lors de cette conférence historique bâti les fondements d’une Afrique coloniales, découpée et partagée entre Occidentaux. La sculpture africaine traditionnelle appelée selon les époques et les sensibilités  « art nègre », « art primitif », « art africain », ou bien enfin « art premier »  provient des régions d’Afrique habitées par des Noirs de tradition dites « animistes ». D’autre part, bien que les premières œuvres connues de l’art africain soient en terre cuite, matière qui peut durablement résister aux agressions du climat tropical et des thermites,  l’essentiel des œuvres produites  utilisent le bois.

Le paysage de l’art traditionnel d’Afrique s’inscrit  sur une large bande de la côte ouest du continent.En considérant  nos repères et donc les frontières politiques actuelles, cette zone s’étend de l’Afrique de l’Ouest, englobe  vers le sud les pays de la côte atlantique, et descend jusqu’à la République Démocratique du Congo.

≡  Sans entrer dans un débat de critères et d’échelle de valeur, on peut considérer que  les grands pôles de l’art africain se situent au sud du Mali (1), au Burkina Faso (2), en côte d’Ivoire (3), au Nigeria et au nord-ouest du Cameroun (4), au Gabon (5) et en République Démocratique du Congo (6)

≡  On peut répartir ces peuples en trois zones géographiques ou familles de peuples partageant une histoire et  culture commune: Les peoples de la boucle intérieure du Niger (Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire…), ceux de la côte du Golfe de Guinée (Bénin, Nigeria, Cameroun…), et enfin ceux de la forêt équatoriale (République Démocratique du Congo …)

Lorsque que l’on voyage en Afrique et que l’on prend le temps de s’immerger dans la culture  de ses habitants, on comprend très vite que la notion de « sacré » est omniprésente. Le quotidien est imprégné par les cultes et il n’existe pas de réelle séparation entre vie sociale et vie religieuse.  On remarque également rapidement que l’art est directement intégré aux évènements les plus importants de la vie des individus, de la famille, du village ou de la tribu: naissance, maternité, récoltes, rites d’initiations, culte des morts et des ancêtres,…

Il est aussi frappant de constater que l’esprit des ancêtres est omniprésent: dans un champ, une rivière, un rocher… et accompagnent les Africains dans chaque instant de leur vie. Dotés d’un pouvoir divin, ils sont toujours très proches des vivants et les entourent de leur présence parfois protectrice et parfois inquiétante. Aussi, toute menace (maladie, stérilité, mort, sécheresse, etc..) s’explique par l’intervention de ces forces surnaturelles. Chacun va donc chercher à  communiquer avec ces esprits et à conjurer les forces négatives

Pour comprendre le lien entre les arts et les rites, il faut se rappeler que les sociétés africaines traditionnelles d’Afrique noire subsaharienne étaient, et sont parfois encore, des sociétés nomades. Prenons l’exemple du culte des ancêtres, culte qui représente un des fondements majeurs de la culture africaine. Comme toute société nomade,  les africains ne disposaient d’aucun tombeau, d’aucun cimetière, d’aucun lieu de rituel fixe pour célébrer leurs morts. Les sculptures que l’on transporte avec soi sont devenues ….

De même manière les sociétés africaines traditionnelles d’Afrique noire subsaharienne étaient, et sont parfois encore, des sociétés sans écriture ou les religions se caractérisent  par l’absence de concepts ou de dogmes. Les sculptures se substituent à l’écriture, et sont le support de la parole et le support du mythe

En  permettant le maintien d’une tradition orale qui englobe encore aujourd’hui tous les aspects de la vie des africains (mythes, rites, danses et arts), cette absence d’écriture peut être considérée avec le recul de l’histoire comme positive.

L’art fut donc le meilleur moyen de rentrer en contact avec les esprits et les dieux. De ce fait, l’art africain a des fonctions essentiellement rituelles et religieuses, il ne cherche donc pas à représenter tel ou tel dieu, mais à être suffisamment fort et efficace  pour permettre d’entrer en relation avec les esprits et obtenir  la protection des individus.

Les sculpteurs vont donc chercher à créer des objets appropriés aux rites qui jalonnent la vie de tout africain.  Ils vont utiliser l’art pour exprimer les forces sacrées qui  régissent le monde et la nature, pour tendre un pont entre le monde visible et invisible. Issu d’une caste d’hommes dotés d’une grande sagesse et d’un grand pouvoir, considéré comme un demi-dieu au sein de son village, le sculpteur va à travers ses œuvres et des règles esthétiques et symboliques propres au mythes et aux rites, chercher à capter les forces invisibles, et les rendre favorables à l’ensemble du groupe.

L’art africain  peut être considéré comme un trait d’union entre les hommes et les forces divines. C’est sans doute pourquoi masques et statuettes expriment une telle force d’expression  et qu’elles dégagent une impression de puissance sacrée qui inspire crainte et fascination.

En guise de synthèse nous pouvons dire:

  • l’art est intimement intégré aux évènements les plus importants de la vie d’un africain,
  • l’art se substitue à l’écriture et est le support du mythe et de la parole divine,
  • Les sculptures africaines sont faites pour être efficaces donc belles,
  • l’art pour l’art n’existe pas en Afrique,
  • l’art n’est pas un but, mais un moyen.

Selon le proverbe africain : « qui ne connaît pas l’origine d’un masque, les mythes et les danses qui lui sont propres ignore tout de ce masque ».  Seule la compréhension des mythes et des rites permettra de toucher du doigt les vérités essentielles. C’est ce à quoi nous nous attacherons dans la seconde partie

Dans son remarquable ouvrage « Ebène », le journaliste polonais Ryszard Kapuscinski écrit :

« L’africain était traditionnellement un homme itinérant. Tout en menant une vie sédentaire, il se retrouvait régulièrement sur les routes. Son village migrait: tantôt le puits était tari, tantôt la terre avait perdu sa fertilité, tantôt une épidémie se déclarait.

Cette mobilité forcée explique l’absence dans l’Afrique profonde de ville ancienne comme il en existe partout dans le monde. Contrairement aux populations européennes ou asiatiques, la majeure partie des Africains vit aujourd’hui sur des territoires ou ils ne vivaient pas jadis. Un des traits marquants des civilisations africaines est son caractère éphémère, provisoire et son manque de continuité matérielle.»…

« La seule continuité qui existe ici et soude la communauté, c’est la pérennité des traditions ancestrales et des rites, un culte profond aux aïeux. Le lien unissant l’Africain à ses proches  est donc plus spirituel que matériel ou territorial ».

La théologie africaine se caractérise par l’absence de concepts. Seule la compréhension des mythes et des rites permet de toucher du doigt aux vérités essentielles. .

Selon le proverbe africain : « qui ne connaît pas l’origine d’un masque, les mythes et les danses qui lui sont propres ignore tout de ce masque ».

Seule la compréhension des mythes et des rites permettra de toucher du doigt les vérités essentielles. C’est ce à quoi nous nous attacherons dans la seconde partie.

Dans son remarquable ouvrage « Ebène », le journaliste polonais Ryszard Kapuscinski écrit :

« L’africain était traditionnellement un homme itinérant. Tout en menant une vie sédentaire, il se retrouvait régulièrement sur les routes. Son village migrait: tantôt le puits était tari, tantôt la terre avait perdu sa fertilité, tantôt une épidémie se déclarait.

Cette mobilité forcée explique l’absence dans l’Afrique profonde de ville ancienne comme il en existe partout dans le monde. Contrairement aux populations européennes ou asiatiques, la majeure partie des Africains vit aujourd’hui sur des territoires ou ils ne vivaient pas jadis. Un des traits marquants des civilisations africaines est son caractère éphémère, provisoire et son manque de continuité matérielle.»…

« La seule continuité qui existe ici et soude la communauté, c’est la pérennité des traditions ancestrales et des rites, un culte profond aux aïeux. Le lien unissant l’Africain à ses proches  est donc plus spirituel que matériel ou territorial ».

La théologie africaine se caractérise par l’absence de concepts. Seule la compréhension des mythes et des rites permet de toucher du doigt aux vérités essentielles. .

Au-delà des pays et des frontières, l’Afrique est constituée d’un patchwork d’ethnies et de cultures originales, présentant chacune leur propres langues leurs propres croyances, et  leurs propres rites. Devant cette très grande diversité les  anthropologues ont toujours hésité à  employer au singulier l’expression « culture africaine » ou « religion africaine »

Au-delà de cette diversité, la compréhension de la mythologie africaine est  particulièrement complexe et tenter de  proposer une interprétation des religions africaines et de leurs symboliques sans les trahir apparaît comme particulièrement difficile et périlleux. En effet

  • Les traditions sont exclusivement orales,
  • Les africains entourent leurs croyances d’un mur de secrets et de mystères,
  • Dans une même ethnie, le même mythe peut revêtir différentes significations,
  • Seuls les initiés ont accès à la connaissance
  • Il est difficile pour un européen de saisir enprofondeur la pensée africaine, tant celle-ci aborde des thèmes totalement méconnus dans notre société (rapport étroit entre l’homme et la nature, toute puissance des esprits et des ancêtres, approche de la mort totalement différente …)

Nous tenterons cependant dans ce chapitre de présenter les caractéristiques majeures des religions d ‘Afrique de l’Ouest en essayant de ne pas succomber aux travers de la pensée occidentale. Quand on parle de l’Afrique il est en effet bon d’éviter les tendances naturelles aux stéréotypes, aux simplifications et à la catégorisation « a priori » des croyances africaines dans le tiroir de l’irrationnel.

Selon les modes de pensée traditionnels d’Afrique de l’ouest tout est religieux et la vie quotidienne des habitants est baignée en permanence par des de profondes croyances qui influent sur  chaque instant de leur vie. Il suffit alors de prendre le temps de partager quelques jours avec les habitants d’un village de brousse, pour appréhender très vite les principes structurels des religions africaines.

Un des dénominateurs communs remarquables à toutes les cultures africaines est la relation étroite que l’homme entretient avec la nature. Contrairement aux grands principes des religions judéo-chrétiennes, et plus généralement à ceux des grandes religions monothéistes, qui présentent  un monde créée pour l’homme  et une nature au  service de l’homme, un monde ou  l’homme est appelé à dominer les animaux et à assujettir la terre, le fondement des religions d’Afrique est celui d’un monde ou hommes et animaux sont crées au même niveau et où des liens magiques unissent l’homme et la nature.

Un second point commun remarquable est le très grand respect porté aux « vieux », aux « anciens », et au-delà des vivants, aux « ancêtres ». Ils sont évoqués en permanence avec beaucoup de considération, à chaque rencontre, dans toute salutation, le soir à la veillée, dans les prises de décision influant sur l’individu, la famille, le village.

Ainsi, l’africain croit-il  que son univers concret  est constitué de trois mondes  qui communiquent et interfèrent :

Le monde visible, celui de la nature tangible. C’est l’univers des êtres vivants, celui des animaux, des arbres, des hommes, mais aussi celui de la terre, des rivières, du vent et de la pluie, celui  rochers et des  pierres qui bordent le chemin…

Ce monde visible, qu’il soit minéral ou végétal, est le royaume d’un monde invisible, mais tout aussi concret, celui des esprits. Les esprits sont partout, dans les animaux, les plantes, mais aussi dans ce champ à droite, sur cette colline qu’on aperçoit en contrebas, ou encore  sur ce rocher qu’il faut impérativement éviter.

Enfin,  pour vivre heureux, il est nécessaire de respecter et d’entretenir les meilleures relations possibles avec le monde des ancêtres. Bien que morts, les ancêtres continuent en quelque sorte d’exister et  conservent un très grand pouvoir d’assistance mais aussi de nuisance. Ils influent en permanence sur chaque évènement de la vie quotidienne. Obtenir et conserver leurs faveurs est essentiel.

Et Dieu ? Même s’il ne lui voue guère de culte, l’africain croit un  dieu créateur unique, un être suprême qui se trouverait au sommet de la grande pyramide des mondes visibles et invisibles.

Les mythes des religions africaines font référence à un Dieu créateur. L’Afrique traditionnelle reconnaît donc un Dieu suprême, mais ce Dieu  reste  éloigné de sa création  et est donc  rarement évoqué ou  représenté et reçoit peu de culte.  On ne lui fait de sacrifices qu’en de très rares occasions, seulement quand la vie du groupe est menacée. Dieu est donc inaccessible. Un dieu trop proche serait trop humanisé. Il ne serait plus l’ultime réponse dont l’homme a besoin. Compromis dans les affaires des hommes, il ne pourrait plus être leur suprême recours.

Religions Africaines  – Théorie des Origines.